Il y a cinquante ans, le Tour 58 consacrait Charly Gaul mais si l'équipe de France dirigée par Marcel Bidot avait fière allure sur le papier au départ avec le tenant du titre, J. Anquetil, et Louison Bobet, elle fût dominée par l'équipe du Centre-Midi et son leader, le Long Fusil, Raphaël Geminiani et parmi ses équipiers, J. Graczyck qui remportear le maillot vert, H. Anglade, A. Rollan entre autres.
Marcel Bidot a du longtemps se mordre les doigts de n'avoir pas sélectionné Géminiani dans l'équipe encore que les trois leaders auraient pu se neutraliser encore plus.
Porteur du maillot jaune de nombreux jours, Géminiani en fût dépossédé par l'Italien Favero et finalement par le Luxembourgeois Charly Gaul, grâce aux étapes contre-la-montre et à la mythique étape du massif de la chartreuse.
Résumé de la course :
Exposition universelle oblige, le Tour de France 1958 partira de Bruxelles, au pied de l’Atomium.
Marcel Bidot, directeur de l’équipe de France, rencontre des problèmes de sélection. Comment persuader Bobet et Anquetil de cohabiter sous le même Maillot Tricolore ? Quels coureurs leur adjoindre ? Bidot consulte les deux champions, l’ancien et le nouveau. L’entente cordiale se conclut sur le dos de Raphaël Geminiani, cruellement relégué, à 33 ans, dans l’équipe régionale du Centre-Midi. Celui-ci, profondément meurtri par le choix de Bidot et la « trahison » de ses frères d’armes, se jure de faire perdre le Tour aux Français. Secrètement, GEM se surprend même à rêver d’une victoire finale à Paris.
A Caen, au terme de la 5ème étape, Gilbert Bauvin porte le maillot jaune mais ses leaders Anquetil et Bobet ont déjà montré des signes de faiblesse. Le Normand ne semble pas avoir « digéré » son mariage tandis que le Breton a mal vieilli. Gaul, quant à lui, a déjà perdu 10 minutes. Le lendemain, le ciel est couvert entre Caen et Saint-Brieuc. Geminiani porte une première attaque. Il invite Nencini et Adriaenssens à l’aider dans son entreprise, jurant à l’un puis à l’autre son intention de l’aider à gagner le Tour. Bidot fait décrocher Pipelin et Groussard qui accompagnaient le groupe Geminiani. Puis c’est le tour de Darrigade de se voir ordonné d’attendre Bobet et Anquetil. Et c’est le regroupement, sous l’impulsion de Dédé Darrigade. Mais voici que Geminiani jaillit à nouveau du peloton et entraîne avec lui quelques baroudeurs. A l’arrivée de Saint-Brieuc, Long fusil a pris 10’ à Anquetil, Bobet, Gaul, Nencini et Brankart. Le maillot jaune échoit à Voorting.
L'équipe Centre-Midi aura vraiment marqué ce Tour 58
Surprise dans le contre-la-montre de Chateaulin où Charly Gaul devance Anquetil sur les 46 km d’un parcours accidenté. Le Luxembourgeois fera peu parler de lui dans les cols des Pyrénées. A Pau, Geminiani prend le maillot jaune mais le cède le lendemain à Favero. Au cours de cette étape Pau – Luchon, c’est Bahamontès qui se distingue par un attaque d’envergure qu’il conclut victorieusement.
Géminiani, dans la roue de Bobet reste bien encadré par deux équipiers. L'italien Favero est toujours-là, tandis qu'Anquetil commence déjà à souffrir.
Anquetil et Bobet continuent à traîner leur petite forme sur les routes de France. Aucun d’eux ne peut inquiéter Charly Gaul dans le contre-la-montre du Mont Ventoux (18ème étape). Bahamontès finit à 31 secondes, Anquetil à 4’09’’, Bobet à 4’54’’ et Favero à près de 8 minutes.
Geminiani va profiter de l’étape de transition Carpentras – Gap pour faire exploser la course. Lorsque Gaul met pied à terre à cause d’un problème de dérailleur, Geminiani attaque. Il emmène avec lui Favero, Planckaert, Adriaenssens, Stablinski. Peu après, Anquetil, Nencini et Graczyck les rejoignent. A Gap, Bobet a concédé 7’07’’ et Gaul 10’. Le retard de ce dernier au classement général est de 15’12’’ ! On considère qu’il a perdu le Tour de France. Geminiani est à nouveau premier par le jeu des bonifications.
Bahamontès brille sur les pentes de Vars et d’Izoard pour confirmer à Briançon sa victoire de Luchon mais ce coup d’éclat demeure anecdotique. L’Espagnol est beaucoup trop loin au général.
Charly Gaul se prépare à placer son attaque décisive dans la montée du Luitel
Par contre, l’étape Briançon – Aix-les-Bains sera une étape d’anthologie qui scellera les destinées des coureurs de ce Tour 58. Au programme : 219 km et 5 cols à gravir, le Lautaret, le Luitel, le col de Porte, le Cucheron et le Granier. Charly Gaul, dont plus personne ne se méfie, attaque au Luitel. Il augmente son avance dans la brume et le froid. Anquetil s’effondre dans le col de Porte (il abandonnera le lendemain, victime d’une broncho-pneumonie). La pluie cingle les corps recroquevillés sur les bicyclettes. Gaul, selle basse, guidon haut, mouline à son rythme. Il grimpe régulièrement, sans à-coups, augmentant peu à peu sa vitesse. Où sont les autres ? Il n’en sait rien. Il lutte seul contre le mauvais temps, la sorcière et l’homme au marteau. Ses yeux bleu métallique traduisent sa détermination. Le Maillot Jaune Geminiani est à la dérive. Il accuse 5’30’’ de retard en haut du col de Porte, 7’50’’ au Cucheron et 12’20’’ au Granier comme à l’arrivée d’Aix-les-Bains. La Tunique d’Or est pour l’Italien Favero. Geminiani pleure à gros bouillons. Nouveau Christ crucifié sur la montagne, il trouve la force de protester : « Ô Bobet, Bobet, pourquoi m’as-tu abandonné après le sommet du Luitel ? Des Judas mes anciens copains de l’équipe de France, tous des Judas ! ».
Gaul n’est plus qu’à 38’’ du précieux maillot. Il parachève son œuvre dans le contre-la-montre de Dijon (premier, il réalise une moyenne de 44,201 km/heure sur un parcours de 74 km), s’empare du maillot jaune. Le lendemain, il triomphe à Paris.
Quel millésime que ce Tour de France 1958 !
Résultats :
1. Charly GAUL en 116h59’05’’
2. Vito FAVERO à 3’10’’
3. Raphaël GEMINIANI à 3’41’’
4. Jean ADRIAENSSENS à 7’16’’
5. Gastone NENCINI à 13’33’’